L’interview d’une de nos abritées

Rencontre avec Anne-Marie (*prénom modifié)

Anne-Marie est une de nos bénéficiaires à l’abri de nuit.
Nous l’avons rencontrée durant la saison 2021/2022 et elle a accepté de nous confier ses impressions.

Connaissais-tu déjà notre abri de nuit ?

« Je suis déjà venue chez Thermos, avant la période Covid. J’ai tout de suite remarqué des changements au niveau des locaux, ils ont été rafraîchis et sont plus agréables. Un point très positif, c’est que vous faites rentrer maintenant plus tôt les personnes préinscrites. Maintenant, il fait encore bon mais c’est surtout pour quand il fera froid. Même ¼ d’heure au chaud en plus, c’est beaucoup ; et c’est motivant pour nous.
Je suis déjà allée dans les autres abris mais ce n’est pas la même chose. Ici, je dors les yeux fermés, en sécurité.
Bon j’essaie quand même de prendre ma douche le plus tard possible, une fois que les hommes sont montés, parce que sinon ils sont quand même là à circuler dans la pièce et ça me met mal à l’aise. Les coordinateurs et les bénévoles sont d’accord.
Je trouve que c’est motivant pour les bénévoles de savoir ce que les bénéficiaires pensent, de les remercier pour ce qu’ils font pour nous tous les jours et pas seulement de dire ce qui ne va pas. Sans eux, il n’y aurait pas d’endroit comme ici, avec chaleur, possibilités d’hygiène et repas. »

Et pour compléter ton avis, avons-nous des points négatifs ?

« Il n’y a plus de café dehors en attendant ! Je comprends bien sûr les raisons mais en attendant dans le froid c’était bien. Et puis je suis une fan de café ! »

Accepterais-tu de nous confier un peu ton parcours ?

« Sans problème ! Je suis assistante médicale de formation. Je suis célibataire. J’ai 2 filles, T., 19 ans, une bosseuse à l’école, et C.,16 ans et demi, l’artiste de la famille. Ce n’est pas toujours facile pour elles de comprendre et d’accepter ma situation.
J’ai eu des hauts et des bas, j’étais en appartement il y a peu de temps et les choses de la vie en ont décidé autrement.
Quand je suis dehors, je suis une solitaire, je ne fais pas confiance facilement. J’ai repéré par exemple un logement social où je me glisse parfois avec les dernières personnes qui entrent pour dormir au chaud et en sécurité dans la cave. Mais parfois, j’arrive trop tard alors c’est la débrouille, je dors sur un banc ou ailleurs. Et là, je m’assoupis parfois et quand je me réveille, je change d’endroit ; il faut bouger en permanence pour rester en sécurité.
J’essaye de trouver des solutions pour le logement mais ce n’est pas facile. Avec les assistants sociaux, il faut des preuves sans cesse. La personne qui gère mon dossier m’a demandé, par exemple, une attestation de dernier domicile ou de fréquentation d’un abri. Mais comme je suis désinscrite du domicile précédent, je lui ai répondu que mon dernier domicile était un banc… ». Maintenant que Thermos est ouvert, je vais pouvoir lui fournir une attestation de fréquentation d’abris.
Sinon, j’ai un projet, quand je serai sortie de ma situation actuelle : le tatouage. J’ai déjà le matériel et la formation. Pourquoi pas chez Thermos, un peu comme quand la pédicure venait
»

Qu’as-tu envie de partager encore avec nous ?

« La vie nous donne des leçons et il faut pouvoir en tirer quelque chose. Je vis une épreuve de plus. Je ne pourrai pas tomber plus bas qu’à la rue, je ne peux maintenant qu’avancer  !
Surtout ne pas perdre sa dignité. C’est important pour moi de me montrer sous un bon jour, pour mes enfants, au cas où je croiserais quelqu’un qui nous connait. Et puis c’est le manque d’hygiène qui donne une image négative des SDF. »

Ce fut un plaisir de discuter avec toi Anne-Marie, durant l’interview, la soirée et le lendemain matin au petit déjeuner. Merci de nous avoir confié une partie de ton parcours. Nous nous recroiserons chez Thermos et entre-temps, fais attention à toi !

Interview réalisée par Estelle.